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Vie des affaires

Rémunération du gérant de SARL

Rémunération du gérant : une augmentation censurée pour abus de majorité

Encore une fois, la Cour de cassation remet en cause une augmentation de la rémunération d'un gérant de SARL en retenant un abus de majorité.

Rappel des modes de fixation de la rémunération

Décision des associés dans la plupart des cas. - La rémunération du gérant d’une SARL est obligatoirement fixée par les statuts ou par une décision de la collectivité des associés (cass. com. 25 septembre 2012, n° 11-22754).

Dans les faits, la fixation de la rémunération du gérant par les statuts n’est jamais utilisée étant donné qu’elle impose de modifier les statuts à chaque réévaluation et de procéder aux formalités qui en résultent. C’est donc, dans la plupart des cas, une décision de la collectivité des associés qui va déterminer la rémunération du gérant.

Si le gérant est associé, il peut prendre part au vote en vertu du principe selon lequel tout associé a le droit de participer aux décisions collectives et de voter (c. civ. art. 1844, al. 1 ; cass. com. 10 février 2015, n°13-17555, cass. com. 9 juillet 2013, n°11-27235).

Rémunération exagérée constitutive d’un abus de majorité. - Si un gérant majoritaire profite de sa position pour obtenir une rémunération exagérée, son montant peut être remis en cause pour abus de majorité.

En effet, constitue un abus de majorité une décision prise contrairement à l’intérêt social de la société et dans l’unique dessein de favoriser la majorité au détriment de la minorité (cass. com. 30 mai 1980, n° 78-13836).

L’abus de majorité peut être sanctionné non seulement par la nullité des délibérations mais aussi, le cas échéant, par la condamnation des majoritaires à verser des dommages et intérêts aux minoritaires (cass. com. 6 juin 1990, n° 88-19420 et n° 88-19783).

Les minoritaires peuvent demander le remboursement de la rémunération dans les 3 ans du vote de l’assemblée et la réparation de leur préjudice dans les 5 ans de cette assemblée (cass. com. 30 mai 2018, n° 16-21022).

Abus de majorité au vu des résultats de la société

Pas de mise en péril de la société pour la cour d’appel. - Dans une récente affaire, trois associés à parts égales d’une SARL sont cogérants. L’un d’entre eux décède en 2011, ses héritiers deviennent associés.

En 2012, l'assemblée de la SARL décide une augmentation de la rémunération des gérants qui passe de 28 000 € à 105 000 € pour chacun d'entre eux.

Les héritiers considèrent que cette décision est constitutive d’un abus de majorité et sollicitent alors le remboursement des sommes indûment perçues.

Leur demande est rejetée par la cour d’appel. Selon elle, la situation de l’entreprise n’est pas mise en péril.

De plus, le décès d’un des leurs, en cours d’année, a fait naître une charge supplémentaire de travail pour les deux gérants. Enfin, il n'est pas anormal de tenir compte de leur prochain départ à la retraite pour fixer leur rémunération.

Censure de la Cour de cassation. - Le raisonnement de la cour d’appel est censuré par la Cour de cassation.

La Cour relève l’ampleur de l’augmentation de la rémunération des cogérants et, en même temps, la chute du résultat net comptable qui est passé de 164 374 € à 375 €.

En conséquence, la décision d’augmentation des rémunérations des dirigeants sociaux est contraire à l’intérêt social de la société et prise dans l’unique but de favoriser les deux associés cogérants.

Cette solution n’est pas nouvelle. La Cour de cassation a déjà eu l’occasion de sanctionner par un abus de majorité des faits similaires (cass. com. 1er juillet 2003, n° 99-19328, cass. com. 30 mai 2018, n° 16-21022 et cass. com. 20 février 2019, n° 17-12050).

Envisager une clause statutaire

Il est tout à fait possible d'aménager dans les statuts les conditions dans lesquelles les associés décideront de la rémunération du gérant.

Par exemple, il peut être prévu des règles de majorité plus forte concernant le vote de la rémunération du gérant afin d’éviter que ce dernier, s’il est majoritaire, s’octroie un salaire de manière discrétionnaire.

Cass. com. 15 janvier 2020, n°18-11580